Qui n’a jamais eu envie de pouvoir changer le cours d’un film ?
Par exemple, de pouvoir détourner un personnage d’un danger ? Dans la scène finale du Silence des Agneaux, pourquoi Jodie Foster reste-t-elle dans le noir alors qu’Hannibal Lecter est dans son dos avec des lunettes à vision nocturne ? Avouons qu’à ce moment, on aimerait prendre le contrôle de l’histoire pour chercher l’interrupteur et sauver sa peau !
Parfois, c’est plutôt notre curiosité qui nous donne envie de pouvoir mettre en pause un film et accéder à des contenus annexes pour mieux comprendre le sujet, dans toute sa complexité.
La vidéo interactive est devenue techniquement possible depuis plusieurs années. Elle a déjà donné lieu à un certain nombre d’expériences. Mais c’est assez récemment que ce média d’un nouveau genre, à la frontière entre le film, le web doc, le livre dont vous êtes le héros et même le jeu vidéo, a commencé à vraiment se populariser.
Santé, handicap, RSE… À la frontière de plusieurs médias, la vidéo interactive donne de très belles possibilités pour former et sensibiliser de manière originale sur de nombreuses thématiques. Petit tour d’horizon.
La vidéo « augmentée »
C’est la première utilisation de l’interactivité sur une vidéo et la plus simple à mettre en œuvre.
Comment ça marche ? À certains moments du film (motion design ou prise de vue réelles), des éléments graphiques cliquables apparaissent par-dessus l’image. Boutons, puces, pictogrammes, mots, chiffres-clés… au clic, le film se met en pause et l’utilisateur accède à des contenus soigneusement choisis, avant de reprendre le visionnage du film.
L’objectif est de compléter les messages portés par le film lui-même (d’où notre choix de parler de « film augmenté »). Chiffres-clés, définition d’un terme technique, renvoi vers une autre vidéo, vers un lien externe, voire vers un contenu gamifié… Voici quelques exemples concrets :
- Pour un film sur un sujet de santé, on peut par exemple cliquer sur des visuels pour zoomer dessus et faire apparaitre une légende, ou bien cliquer sur un terme complexe pour en connaitre la définition, ou encore accéder à un témoignage de patient en vidéo… Comme par exemple la vidéo interactive réalisée pour Merck sur la sclérose en plaque.
- Sur un film sur un sujet de QVT, on peut accéder à des illustrations sur les bonnes postures à adopter à son poste de travail, à des chartes internes, aux avantages proposés par le comité d’entreprise…
- Avec un film de sensibilisation, on peut comme sur la vidéo interactive réalisée pour la Maif, expliquer un sujet (ici les risques d’internet) grâce à des bulles interactives…
- Avec un film sur un sujet RSE, on peut donner accès à un quiz pour évaluer ses propres bonnes pratiques en matière de tri, ou bien un lien vers une page particulière du bilan RSE annuel de l’entreprise…
On voit que les possibilités sont très ouvertes pour ces contenus annexes, quel que soit le sujet. Cela donne à la vidéo interactive beaucoup de souplesse pédagogique, et permet de valoriser des contenus existants déjà produits par l’entreprise (vidéos, illustrations, articles de blog…). Mais surtout, la vidéo interactive peut très bien renvoyer vers des ressources externes (vidéos Youtube, articles, sites institutionnels…) ce qui permet d’augmenter le contenu pédagogique sans impacter le budget.
L‘accompagnement, indispensable à la réalisation d’une vidéo interactive
Toutes ces possibilités d’ajout de contenus peuvent donner tellement d’idées qu’on risque de trop vouloir en mettre…
Plus que pour un film classique, la production d’un film interactif demande un accompagnement spécifique, à la fois sur l’ingénierie pédagogique et sur l’expérience utilisateur, pour faire les bons choix.
Comme dans n’importe quel contenu digital pédagogique (e-learning, film, serious game…) l’enjeu est de trouver le bon équilibre entre des contenus pédagogiques riches… et une expérience fluide, d’une durée compatible avec les disponibilités des utilisateurs. Et la tendance actuelle est clairement d’éviter l’indigestion. C’est là que l’ingénierie pédagogique, la réalisation, la direction artistique et le travail d’ergonomie se combinent pour créer un résultat bien ciselé.
Les films à narration interactive
C’est un autre versant des vidéos interactives, plus ambitieux et plus complexe, mais vraiment passionnant.
En soi, le principe parait simple. Le spectateur peut, à certains moments, faire des choix pour influencer le cours de l’histoire. On est exactement dans l’esprit des Livres dont vous êtes le héros : vos choix, souvent binaires, vont faire prendre à l’histoire des chemins différents, avec parfois des impasses…
Le lien de filiation avec le jeu vidéo parait évident, surtout avec la tendance des jeux narratifs, et encore plus les jeux dont la mise en scène est ultra-cinématographique, et dont le rendu visuel s’approche tellement de la réalité qu’on a l’impression d’être devant un film.
Si les films « augmentés » sont très adaptés pour sensibiliser ou former sur des sujets assez théoriques, le film à narration interactive se prête à des sujets plus sensibles, plus psychologiques, plus subtils. Handicap, inclusion, diversité, harcèlement, crise migratoire : en prenant un rôle dans le déroulement de l’histoire, le spectateur va pouvoir s’identifier fortement aux personnages et aux situations, se mettre « à la place de« .
Le scénario, composante indispensable
L’enjeu repose alors principalement sur le travail de scénario qui devient arborescent. Ensuite, bien sûr, sur le travail de production, puisqu’il faut bien fabriquer toutes les scènes alternatives du film pour que le spectateur puisse les explorer !
Pas étonnant que ce genre d’expérimentation ait surtout été mené par des sociétés avec de confortables moyens. Citons Arte avec Ordesa, France Télévision avec République, Netflix avec certains épisodes de Black Mirror ou de You vs Wild, ou bien Sony Interactive avec des titres comme Hidden Agenda ou Erica…
Mais cet outil peut rester accessible, dès lors qu’on reste dans un esprit « court-métrage« . Un film de quelques minutes mais très efficace et impactant. Film d’animation très graphique ou prises de vues réelles, chacun a ses avantages. Tout dépend de la thématique, de la cible et du ton que l’on vise.
Notons que certaines expériences, à plus petits budgets, tentent de contourner les difficultés de production, comme par exemple le travail de Fabien Olicard, qui crée des histoires interactives entièrement sur Youtube.
L’ histoire est découpée en courtes vidéos se terminant chacune par un choix binaire… Chaque choix est un lien qui renvoie tout simplement vers une autre vidéo, et ainsi de suite. La réalisation est vraiment en mode « youtubeur« , ce que tout le monde n’appréciera pas de la même manière, mais le principe en soi fonctionne très bien.
La vidéo interactive, un genre qui a de beaux jours devant lui !
Avec des frontières floues avec le jeu vidéo, avec un public toujours plus à l’aise avec la notion d’interactivité, avec des univers graphiques de plus en variés, la vidéo interactive va certainement devenir un outil de plus en plus incontournable pour sensibiliser de manière innovante.