Certains de nos jeux sérieux ont pour but de changer les comportements : périlleuse entreprise n’est-ce pas ?
Chez DOWiNO, nous nous intéressons beaucoup aux sciences humaines et sociales, d’abord parce qu’elles nous permettent précisément de savoir sur quels aspects de l’être humain nous devons creuser pour parvenir à cet objectif. Ensuite, parce qu’elles nous fournissent un tas d’outils pour emmener nos publics à changer de comportement grâce aux serious games.
Cette année Nordine est allé au Game Camp pour donner une conférence sur l’utilisation du jeu vidéo comme vecteur de changement des comportements, qui fera l’objet d’un prochain article pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y assister. Il en a profité pour assister à des conférences très intéressantes, notamment parce qu’elles abordaient aussi les sciences humaines en tant qu’outil pour rendre les jeux vidéo toujours plus satisfaisants, et plus efficaces dans la façon de nous faire apprendre des mécaniques et des règles parfois complexes de manière instinctive, avec un minimum d’explications, et idéalement sans tutoriel.
Dans sa conférence « Comment les spécificités physiologiques humaines peuvent résoudre les problèmes réseau gameplay », Sébastien Clavaud d’Ubisoft nous a parlé des astuces utilisées dans les jeux en réseau pour donner l’illusion aux joueurs que toutes les interactions avec les autres sont parfaitement synchronisées malgré la latence que peuvent avoir les serveurs. On utilise les neurosciences dans ces astuces, en jouant sur la mémoire à court terme, les temps de réaction, les processus d’apprentissage et l’attention pour gérer certains décalages tout en gardant un flux d’évènements semblant toujours cohérent. Et ce, même s’il est en réalité impossible qu’il se passe exactement la même chose au même moment chez tous les joueurs.
Autre conférence allant dans le même sens : « The UX of Fortnite » proposée par Célia Hodent. Cette spécialiste en psychologie cognitive a largement contribué au succès du blockbuster Fortnite sur lequel elle a travaillé en tant que Directrice Expérience Utilisateur.
Célia nous a notamment parlé du travail qui a été fait sur les interfaces utilisateurs (UI) pour alléger la charge mémorielle du joueur, l’idée étant de faire en sorte que toutes les informations nécessaires soient affichées aux bons moments et aux bons endroits pour qu’il comprenne ce qu’il se passe et où il en est en permanence avec un minimum d’effort, le tout sans surcharger la surface de jeu… et ce n’est pas aussi simple que cela en a l’air !
Toujours dans l’idée d’alléger au maximum la charge mémorielle et d’assurer la meilleure expérience utilisateur possible, Célia a rappelé quelques précieuses pratiques comme par exemple :
Éviter le multitâche, car les joueurs ne le sont pas. Typiquement, ça ne sert à rien d’afficher des informations textuelles à l’écran alors que le joueur est concentré sur une séquence d’action.
S’appuyer sur la motivation intrinsèque : c’est une notion issue du comportementalisme également abordée par Nordine lors de sa conférence « Le jeu vidéo peut-il changer les comportements ». Sans motivation, on ne peut rien tirer d’un joueur. Là-aussi cela a l’air simple dit comme ça, mais garder un joueur motivé tout au long de son expérience requiert beaucoup de travail d’UX, notamment sur la progressivité de la difficulté, le level design, l’équilibrage, l’économie et les récompenses.
Proposer le bon type de récompense, au bon moment et à la bonne fréquence pour maintenir la motivation : ou comment travailler les récompenses pour garder l’attention du joueur tout au long de son expérience. Au delà de la qualité et de la valeur des récompenses qui donnent envie au joueur de revenir, la rythmique, la fréquence et les intervalles de temps avec lesquels on va les débloquer sont aussi des éléments essentiels, notamment pour le serious game.
Il y a encore plein de choses vraiment passionnantes que Célia a partagées, telles que certaines mauvaises pratiques (pourtant largement répandues) de design UX, comme le fait pour certains types de jeu de jouer sur des biais psychologiques pour faire revenir le joueur tels que la culpabilité, la peur de perdre, la peur de rater des informations (Fear Of Missing Out), ou encore les obligations sociales… En s’appuyant – entre autre – sur le Codex des biais cognitifs, Célia nous invite à tenir compte de l’ensemble de ces biais lorsqu’on veut proposer une expérience utilisateur réussie.
Les vidéos des conférences seront bientôt disponibles en intégralité sur YouTube pour approfondir tous ces sujets !