Petit tour d’horizon des applications de l’IA dans la santé. Les perspectives sont encourageantes, mais de nombreux défis restent encore à relever…
L’I.A. : kesako ?
C’est la révolution, qui pourrait bousculer nos vies dans le futur. Deux voyelles à fort potentiel : I.A. Elles sont sur toutes les lèvres. On en fait l’éloge sur les salons, dans la presse, dans les podcasts. Elles font débat sur les réseaux et on ne compte plus le nombre de conférences sur le sujet. Elles créent des vocations et de nouveaux business models. Pour preuve, en France, d’après les chiffres du gouvernement 590 start-ups se consacrent à l’intelligence artificielle (I.A).
Commençons par la base. Qu’est-ce que l’IA ? Une intelligence artificielle, est un programme qui cherche à reproduire l’intelligence humaine par le biais d’algorithmes de calcul, en brassant et analysant des flux de données très importants. C’est une solution logicielle capable d’effectuer des tâches, comme détecter des objets, formuler des recommandations, produire des contenus ou des conversations.
Pourquoi la médecine est un terrain plus que propice à l’IA ?
Car c’est un secteur où la connaissance évolue en permanence. De fait il faut des outils ayant les capacités de l’analyser et de l’exploiter. Petite rétrospective assez hallucinante : il fallait environ 50 ans pour doubler les données médicales de recherche en 1950. En 2010, les données médicales doublaient en 3,5 ans. En 2020, on estime que le volume des données d’e-santé dans le monde double tous les 73 jours… On n’arrête plus le progrès !
A la dernière édition de SANTEXPO, le Professeur Vincent VUIBLET, Directeur de l’Institut de l’Intelligence Artificielle en Santé du CHU de Reims déclarait « L’IA va profondément modifier l’ensemble des fonctions hospitalières.«
La place de l’IA dans la pratique médicale : un allié de taille
Les professionnels de santé se sont déjà emparés de cette avancée technologique depuis plusieurs années, et les usages sont multiples.
D’après le baromètre national réalisé en 2023 par PulseLife et Interaction Healthcare sur 1700 professionnels de santé, plus d’1 soignant sur 2 (53%) intègre l’IA dans sa pratique quotidienne, démontrant un usage déjà bien établi de cette technologie.
Pour ce qui est des types d’usages, d’après ce même baromètre, pour les médecins utilisant déjà l’IA :
- l’aide à l’accès à l’information médicale arrive en tête (51%),
- suivie de l’aide à la prescription de traitement (36%),
- puis de l’aide au diagnostic médical (35%).
Par ailleurs, l’impact positif de l’IA sur la prise en charge des patients est souligné par 88,4% des professionnels de santé interrogés, atteignant même 91% chez les médecins. Des chiffres témoignant du rôle essentiel de cette technologie dans l’amélioration des soins et de la confiance que semble lui accorder la profession médicale.
Une aide au diagnostic pour les médecins
Ces résultats sont confortés par une autre étude de l’Ifop pour Sanofi, réalisée début 2024 sur 600 médecins. D’après cette étude, 81% des médecins pensent que les solutions d’IA représentent une aide utile pour diagnostiquer les maladies rares.
En effet, on dénombre 7000 maladies rares connues à ce jour, qui touchent 3 millions de français. Or, par nature une maladie rare est peu fréquente. Les médecins ont rarement l’occasion d’être face à ce type de pathologies, et n’en sont donc pas spécialistes. Ils manquent d’expérience et de connaissances pour les diagnostiquer : quel cerveau humain pourrait retenir les symptômes de 7000 maladies ?!
En radiologie, en dermatologie, ou encore en ophtalmologie, l’IA permet de détecter des maladies invisibles à l’œil nu et d’établir des prévisions.
L’intelligence artificielle, en tant qu’assistant du médecin, ouvre donc la voie à des diagnostics plus rapides. Ce qui évite ainsi « l’errance diagnotique » : le calvaire des patients. Selon Hubert DE BOYSSON, professeur de médecine interne au CHU de Caen : « L’IA a cette capacité de retenir, de connaître l’intégralité de ces maladies, des symptômes qui les constituent. C’est une aide diagnostique précieuse.«
Les limites : jusqu’où peut-on faire confiance à l’IA ?
La question de la fiabilité
Les machines ne sont pas infaillibles : il y a bel et bien un risque d’erreur. Quelle fiabilité peut-on attendre de l’intelligence artificielle ? Ces technologies ont en l’état actuel de leur développement une vision binaire : VRAI ou FAUX, VERT ou ROUGE, BIEN ou MAL.
Elles analysent et classent des données dans des cases. Alors qu’il devrait y avoir un entre deux, une « non-décision » en quelque sorte, quand la machine ne sait pas et n’a pas les capacités de décider. Cela ne pourra donc jamais remplacer l’œil critique et nuancé du professionnel de santé. Michel DOJAT, directeur de recherche à l’Inserm en Neuro-imagerie résume bien ce dilemme « Pour être intégrés dans la pratique clinique, il est important que ces assistants informatisés soient capables de reconnaître leurs limites lorsque les images à analyser sont ambiguës ou hors des cas appris : l’IA doit savoir dire ‘je ne sais pas’. »
La question de l’éthique
L’IA pose également des questions d’ordre éthique. Quid de la responsabilité légale si un professionnel de santé suit la préconisation d’un robot pour prendre une décision qui va à l’encontre des recommandations générales ? Dans le futur si ces systèmes d’aide à la décision automatisés venaient à se démocratiser, le médecin reste-t-il libre d’aller à l’encontre d’une décision prise par la machine ? Le médecin doit pouvoir dire « NON », s’il pense que l’IA se trompe.
Et le patient dans tout ça ? Lui aussi, doit avoir la garantie de pouvoir refuser une décision qui émane d’une intelligence artificielle. Et de manière générale il doit être informé en toute transparence que telle ou telle décision qui concerne sa prise en charge médicale a été dictée par une intelligence artificielle.
Interrogée pour un article de l’INSERM, Laurence DEVILLIERS, professeur en IA à Sorbonne Université et chercheuse au LISN (CNRS) soulève ces préoccupations éthiques : « Il y a un besoin urgent de construire une loi, des normes ainsi que des règles éthiques pour encadrer l’utilisation de systèmes prédictifs, afin de minimiser les risques de manipulation et de dépendance. »
Toutes ces incertitudes montrent bien que la route est encore longue avant que ces systèmes ne soient totalement acceptés et entrent dans les mœurs.
IA et formation
DOWiNO étant un acteur de la formation au service des établissements de santé, il paraissait intéressant de clore cet article consacré à l’IA, sur les perspectives qu’ouvrent ces nouvelles technologies dans le champ de la formation.
Dans les parcours de formation des professionnels de santé, les simulateurs virtuels en IA reproduisent des environnements réalistes. Elles permettent de générer des scénarios très poussés, y compris des maladies rares, auxquelles le futur médecin n’aura pas souvent l’occasion d’être confronté. Ce qui offre aux étudiants l’opportunité de s’exercer à des procédures médicales comme le diagnostic de pathologies à partir des symptômes repérés chez le patient dans le scénario virtuel, ou l’entraînement à des interventions chirurgicales.
Ce type d’outils permet aux étudiants de faire et de refaire un scénario plusieurs fois. Afin de s’améliorer et de se perfectionner, et d’envisager des niveaux de difficultés croissants dans les situations rencontrées.
Ces IA permettent enfin aux étudiants d’obtenir des feedbacks pédagogiques contextualisés tout au long des scénarios. Suivant les réponses et les décisions prises dans telle ou telle situation, ils sont corrigés s’ils commettent des erreurs. Un vrai gain dans le parcours d’apprentissage.
L’IA dans la santé a de nombreuses vertus. Chercheurs comme médecins y voient une avancée majeure dans le traitement et l’analyse des données, dans l’aide au diagnostic et dans la formation. Reste un fait : l’intelligence artificielle n’a pas été conçue pour se substituer à l’intervention humaine, et ne se substituera jamais aux médecins et aux soignants.